Journal de confinement de la MJC : Jour 0

Qu’est-ce que l’éducation populaire et quelle place a-t-elle aujourd’hui ?

En ce début de prolongement de la période de confinement initialement annoncée, et de deux semaines déjà passées chacun.e chez soi, j’ai eu envie d’apporter ma pierre à l’édifice en partageant avec vous une série d’écrits que je souhaite réflexifs. Ma position de vice-président de la MJC m’en donne à la fois la possibilité et quelque part, je crois, la responsabilité.

Pourquoi cette « responsabilité » d’écrire un « journal de confinement » ? Je souhaite renouer avec une tradition de l’éducation populaire que j’estime quelque peu oubliée, mise de côté. Cet article est une explication de ce point, une justification pour légitimer l’existence d’articles suivants que vous pourrez lire prochainement sur le site de notre MJC (sous l’acceptation de Mathieu BOUBAGRA, notre directeur, et de Claudine RIBOULOT, notre présidente, merci à eux). J’utilise également cet article pour repréciser que la MJC peut-être le lieu de telles publications ou de tels échanges. Pour la suite, je compte davantage parler de la crise actuelle, pas sous l’angle sanitaire (par manque de compétences), mais davantage sous un angle économique, social et/ou politique. Surtout j’aimerais vous parler des conséquences pour l’après-crise que l’on peut percevoir dès aujourd’hui.

Ainsi, sans promesse gravée dans le marbre, j’aimerais parler de différents sujets listés ci-dessous. Dans le fond, si j’écris c’est aussi pour être lu alors si quelqu’un aimerait voir un contenu plutôt qu’un autre qu’il/elle se manifeste. Sinon je ferai selon ma motivation, mon temps et mes documentations. Voici donc les quelques propositions d’articles :

  • Les manques de l’Etat-Providence face à sa population : Gérald Darmanin, ministre de l’Action et des Comptes publics, confond impôt et dons, Sarkozy et Hollande s’affrontent pour savoir qui a supprimé plus de milliers de lits des hopitaux et des lois tuant le droit du travail passent en douce.
  • L’école sous le Covid-19 : pourquoi et comment faire classe à ses enfants ?
  • L’héroïsation des soignant.e.s : bonne ou mauvaise idée ? Qu’en pensent-t-ils eux et elles ?
  • La place des différents acteurs sociaux dans cette crise : les associations, les syndicats mais aussi les (grandes) entreprises.
  • Le capitalisme néolibéral à l’épreuve de la crise sanitaire et sociale : allons-nous vers une nouvelle révolution française ? Sera-t-elle encore celle des bourgeois.e.s ? Et, dans le cas échéant, quelles inquietudes puis-je avoir pour ma sécurité et celles de mes proches ?
  • Les conséquences psychologiques du confinement sur nous tous et toutes, confiné.e.s, mais également aux sains des hopitaux psychiatriques et des oublié.e.s du monde de la santé.

D’ailleurs, dans le cas où vous ne comprendriez pas un point, où vous auriez envie de discuter davantage d’un article paru, si vous souhaitez davantage de sources ou quoique ce soit d’autre : n’hésitez pas, je serai ravi de vous répondre et de discuter avec vous !

Ceci dit, commençons donc notre récit de l’éducation populaire et pourquoi les MJC (mais pas qu’elles) sont des lieux politiques, d’échanges et de (re)construction sociale. J’espère que cela attisera chez vous curiosité et réflexion, vous donnera envie d’aller plus loin ou, qui sait, suscitera votre envie de venir discuter avec nous à la MJC !

Bonne Lecture 🙂

Education populaire, Culture populaire et Lutte des classes

La MJC est un lieu que l’on nomme « d’éducation populaire » ; souvent mécompris, ce terme est pourtant riche de sens, et de senS au pluriel. En effet, l’éduc pop, comme on l’appelle, ne peut être définie uniquement par les actions d’animation socioculturelle. D’ailleurs, il serait bien complexe (et nombreux s’y sont cassés les dents) de fournir une seule et unique définition de ce qu’est l’éducation populaire. Si l’on en reprend simplement les termes, l’éducation populaire serait l’éducation du peuple (par le peuple, pour le peuple). Cette dimension nécessite, je crois, explications. Qui est ce peuple dont on parle ? Et de quel genre d’éducation ? Franck Lepage1 en parle dans ses différentes conférences gesticulées nommées Incultures (toutes disponibles gratuitement sur Youtube) et a même dédié l’une d’entre elles au sujet de l’éducation populaire, que j’invite les plus intéressé.e.s à regarder. Je précise, au cas où, que c’est très bien expliqué, accessible et même drôle parfois ; leur principal défaut est d’être assez longue. Astuce : visionnez les en plusieurs fois. Dans tous les cas, l’objectif n’est pas de retenir l’ensemble des informations et des arguments avancés mais juste de s’enrichir, de découvrir un nouveau point de vue ou simplement d’avoir quelque chose à dire au prochain repas de famille.

Selon Franck Lepage donc (et une armada de chercheur.se.s en sciences de l’éducation, histoire ou sociologie), l’éducation populaire s’est constituée en opposition à une éducation nationale omniprésente, inévitable, oppressive. Il n’est nul lieu ici de lancer une critique contre l’éducation nationale (qui mériterait un papier complexe à elle toute seule), simplement de placer les enjeux de l’éducation populaire afin d’y inscrire et de justifier mon action. Pour résumer, l’éducation nationale est, surtout en France (voir les études PISA2 prouvant que notre système fabrique de l’élite intellectuelle et abandonne les autres), basée sur la transmission de normes et de valeurs des dominant.e.s de la société. En effet, de nombreuses enquêtes de sociologie de l’éducation montrent que les fils et filles de professeur.e.s réussissent mieux leur scolarité car déjà baigné.e.s dans les normes scolaires, même à la maison. Les sociologues nous montrent aussi qu’on réussit mieux à l’école selon le niveau scolaire des parents et son milieu d’origine ; ceci démonte totalement le mythe du « si tu n’as pas de diplôme, c’est que tu n’as pas assez travaillé à l’école ». Je reprendrai ces arguments plus en détails dans l’article sur l’école et l’enseignement à la maison sous le Covid.

En réaction, le peuple (les « défavorisé.e.s » comme on les appelle aujourd’hui, et toutes les classes moyennes coincées entre deux mondes) a répondu par l’éducation populaire. Souvent mécomprise encore, sa vocation n’était pas de servir de béquille à l’éducation nationale, permettant à certaines exceptions des milieux populaires de faire de grandes études. Son but n’était pas non plus de « démocratiser la culture » comme on essaye beaucoup de le faire aujourd’hui ; la démocratisation culturelle peut se caricaturer par emmener des gamin.e.s dans un musée d’art contemporain, de pratiquer l’écriture de poèmes académiques, ou encore d’offrir l’accès à l’opéra à tous et toutes. Attention, je ne critique pas ici ces pratiques et initiatives qui ont toutes des bénéfices évidents. Je précise simplement que le projet originel de l’éducation populaire n’était pas là. Effectivement, à l’origine elle devait promouvoir et constituer une cuture populaire indépendante de la culture des puissant.e.s, celle que nomme Franck Lepage, avec son verbe habituel, la « culture avec un gros cul », en opposition à la « culture avec un petit cul » : la culture populaire.

Toute cette explication extrêmement résumée pour amener l’importance (et la déculpabilisation qui en découle, je trouve) d’accepter sa culture propre ! Ce n’est pas grave si vos enfants ne fréquentent pas l’opéra ou les musées à la mode. Ce n’est pas grave si votre maison ne ressemble pas à une bibliothèque ou à une exposition mais plutôt à un zouk coloré où se mélange jouets usagés, écrans multiples, vêtements propres et sales indistincts, possibles poils d’animaux et cris… Soyez fier.e d’être le peuple, de posséder une culture décousue et changeante et une existence réelle (même si celle-ci a tendance à s’effacer de nos imaginaires par la réduction/disparition des films ouvriers) ! L’éducation populaire, et donc entre autres les MJCs, sont là pour défendre et promouvoir cette culture : la culture des jeux-vidéos d’occasion, la culture du téléchargement pirate, la culture des enfants indiscipliné.e.s, des ados insupportables et des adultes feignant.e.s. Tout comme ceux et celles qui se saignent au travail ou enchainent les emplois précaires pour subvenir aux besoins de leur famille. Défendre aussi et promouvoir les cultures alternatives, d’opposition au système capitaliste néolibéral qui révèle aujourd’hui ses failles !

A mon grand regret, l’immersion de la politique dans un tel écrit pourrait choquer, d’autant plus compte tenu du mythe de la « neutralité » que devraient observer les différents acteurs sociaux. Néanmoins j’en profite également ici pour mentionner ce petit groupe de résitant.e.s dans l’après seconde guerre mondiale (Jean Guéhenno et Christiane Faure, merci), qui ont lutté pour l’éducation populaire et pour nos droits sociaux. Ceux et celles que l’on doit remercier pour la sécurité sociale par exemple. Ceux et celles qui ont lutté pour une véritable éducation populaire, permettant au peuple d’être instruit, libre et cultivé à sa manière. Ils et elles ont été plusieurs à s’opposer à l’intégration à l’Etat de l’éducation populaire sous un sécrétariat d’état « bâtard » mélant « Jeunesse et Sports », y pressentant déjà le contrôle étatique qui en découle, et la négation de l’éducation populaire dans toute sa noblesse. D’autres, il convient de le noter, ont bien évidemment été pour ; ils y voyaient un avantage : profiter d’une existence officielle, posséder une ligne dans le budget de l’Etat et, pour certain.e.s, profiter d’un poste dans ce nouvel organe de la vie politique.

Ce qui s’est passé à donné raison aux deux partis ; l’éducation populaire est devenue une excroissance de l’écrasant secrétariat d’état dédié aux sports. Concrètement, l’éducation populaire rassemblait un petit groupe de convaincu.e.s mais sans grande visibilité politique ni budget quelconque. De l’autre côté, les sports drainaient une part du budget national et profitaient d’une visibilité certaine ; tout le monde sait que les sports existent, c’est moins vrai pour l’éducation populaire. Ainsi la stratégie étatique de mêler éducation populaire et sports était simple : contenter les militant.e.s de l’éducation populaire tout en gagnant une sorte de contrôle sur leurs activités mais en les noyant, par la même occasion, dans un ministère beaucoup plus grand qu’eux ce qui les rend à la fois invisibles et soumis à différentes lois. Ils obtinrent alors une existence légale, et donc contrôlée par legislation, et une ligne du budget national (qui s’amenuise toujours pour nos secteurs les plus essentiels : santé, éducation… mais on retrouvera ce contenu dans un autre article). Les valeurs ont été diluées et toute la portée politique de l’éducation populaire à été neutralisée, surtout celle d’opposition aux pouvoirs en place. Et c’est là la plus grande perte qu’aient jamais vécu les structures d’éduc pop, celle qui mena à l’oubli de leurs racines. L’éducation populaire est née dans l’analyse politique pour le peuple, afin de lui donner des armes pour négocier avec le patronnat et les politicien.ne.s. Franck Lepage, encore lui, nous le dit avec ses mots : « À la Libération, les horreurs de la Seconde Guerre mondiale ont remis au goût du jour cette idée simple : la démocratie ne tombe pas du ciel, elle s’apprend et s’enseigne. Pour être durable, elle doit être choisie ; il faut donc que chacun puisse y réfléchir. L’instruction scolaire des enfants n’y suffit pas. »

Ceci amène justement mon objectif : redorer le blason de l’éducation populaire en lui redonnant son glaive et son égide populaire qu’est l’analyse politique vulgarisée, mais non condescendante ou infantilisante. Fournir des informations, expliquer des faits, discuter des diverses réalités sociales ; c’est ce que j’aimerais apporter, d’abord par cette série d’articles, puis avec vous tous et toutes à la MJC. Ce n’est qu’uni.e.s que nous pourrions créer quelque chose de beau, et pour piquer les mots de Rimbaud : « Ce n’est qu’au prix d’une ardente patience que nous pourrons conquérir la cité splendide qui donnera la lumière, la justice et la dignité à tous les hommes; ainsi la poésie n’aura pas chanté en vain », et l’éducation populaire non plus.

Ouverture vers le futur

Malgré un article prenant naissance dans une crise inédite, je ne la mentionne quasiment pas. Comme précisé en intro, je crois nécessaire cette première présentation avant de fournir un travail qui concerne davantage la crise actuelle. Restez connectés, ça devrait arriver !

Quant à mes propos suivants, concernant la crise actuelle, crise sanitaire indéniable, ce n’est pas de cela dont je veux parler comme je vous le disais. La bulle d’une crise politique, sociale et économique, qui était déjà présente auparavant, mais qui s’intensifie actuellement, va assurément exploser à la fin du confinement et de la crise sanitaire. Et où allons-nous ? Ou plutôt que voulons-nous ?

Armé d’articles en tout genres et d’avis d’expert.e.s, je questionnerai la situation mondiale et locale. Que se passe-t-il en Chine ? USA ? Italie ? Quels bouleversements cette crise va produire dans l’équilibre des puissances mondiales ? Comment le système français gère cette crise imprévue dans la gestion du budget des 25 dernières années ? Que va devenir l’import-export ? J’espère répondre à certaines questions, transmettre de l’information simplement, ou créer de l’intéret pour le futur chez mes potentiel.le.s lecteur.rice.s.

Ne mettez pas trop vos enfants devant les écrans,

Faites-vous plaisir,

Faites des blagues nulles,

Aimez-vous les uns les autres, bordel de merde,

Bisous,

Guillaume

1 Franck Lepage (1954 – …) est un militant de l’éducation populaire, membre de la Fédération Française des MJC et directeur de recherche à l’Institut National de la Jeunesse et de l’Education Populaire. Ce serait lui qui a inventé le concept de conférence gesticulée.

2 Les enquêtes PISA sont une initiative européenne afin de produire des chiffres sociologiques des différents systèmes des éducations nationales en vue de les comparer et de les classer en terme de réussite.

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